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« Vivre d’amour et de pizzas », le mantra de Caroline Maya, championne du monde pizza

Ses parents la voulaient infirmière puéricultrice, mais son coeur vibre pour un autre domaine : la pizzéria. À 34 ans, Caroline Lombardi Maya décroche le titre très convoité : championne de monde de pizza. Rencontre avec une personnalité dingue, bienveillante, ambitieuse, travailleuse et qui aime la liberté.

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Portrait

Rencontre avec la reine de pizza a due – Caroline Lombardi Maya, Championne du Monde de pizza à Parme le 7 avril 2022
C’était magique et j’étais loin de m’attendre à tout ce qui allait m’arriver après, à toutes les sollicitations que j’ai reçues. Moi je n’ai pas fait ça pour la notoriété, je l’ai fait pour moi.

Interview Caroline Maya

Comment j’ai vécu ce Championnat du Monde, et comment j’ai vécu ce titre de Championne du Monde ?

Tout d’abord, il faut savoir que j’ai fait le Championnat du Monde, parce que c’était mon rêve de monter sur le toit du monde. J’ai été Championne de France et être Championne du Monde, c’était la consécration de mon travail. J’ai tout fait pour gagner. J’avais cet espoir-là, car dans la vie, il faut avoir de l’espoir sinon ce n’est pas la peine.
J’avais espoir de gagner, mais beaucoup me disaient que je ne gagnerais pas, parce qu’il y avait beaucoup de monde et parce que je suis une femme, Française qui plus est. Cependant, quand on veut quelque chose, il faut se donner les moyens. Donc je voulais réussir, même si j’étais épuisée en arrivant sur les lieux. Pour revenir au titre de Championne du Monde, lorsqu’on m’a appelée, j’ai crié de joie. C’était magique, je m’en rappellerai toute ma vie. C’était magique et j’étais loin de m’attendre à tout ce qui allait m’arriver après, à toutes les sollicitations que j’ai reçues. Moi je n’ai pas fait ça pour la notoriété, j’ai fait ça pour moi.

Comment je vis cette notoriété maintenant ? 

Je suis très contente, je suis extrêmement fière. Nous avons beaucoup de monde, beaucoup de nouveaux clients qui viennent aujourd’hui découvrir cet endroit-là. Ce sont mes grands-parents qui ont créé cette pizzéria. Et moi, je suis fière aujourd’hui de pouvoir emmener encore plus de monde ici, parce que c’est une histoire de famille. Ça fait 34 ans que c’est ouvert, c’est ma grand-mère qui a créé la pizzéria et moi je suis quelqu’un de très « famille », donc je suis très fière de ça.

Championne du monde, c’est quoi l’étape d’après ?

Le premier projet, c’est de racheter la pizzéria. Il faut savoir que je suis gérante, mais la pizzéria appartient à mon oncle et à mon père. Le deuxième projet — mais ce n’est pas pour tout de suite —, c’est de faire des formations. Et le troisième projet, plus tard également, c’est d’ouvrir une autre pizzéria qui me ressemblerait, qui reflèterait mon univers.

Prix attribués à la championne du monde ?

Il ne faut pas oublier que ce trophée, je l’ai gagné avec le chef Alain-Patrick Fauconnet. Ce trophée, nous l’avons gagné à deux, car il s’agissait de la catégorie pizza à due, à deux, c’est-à-dire pizza à quatre mains. Cela me correspond bien, j’ai même une petite citation que j’utilise tout le temps : « seul on va plus vite, mais à deux on va plus loin ». Donc nous avons été champions tous les deux, nous avons gagné ce trophée, et c’est tout (rien d’autre, aucun prix, peut-être quelques bières ! ha ha).

Quelle est la recette de pizza gastronomique ?

Cette pizza, elle s’appelait C’era une volta, ce qui veut dire en italien « il était une fois ». 
Avant de parler de la recette, je vais vous dire pourquoi je l’ai appelée comme ça. Moi, j’ai voulu, avec mon chef Alain-Patrick, qu’on raconte une histoire autour de cette pizza. Nous nous sommes dit « pourquoi ne pas trouver nos points communs à tous les deux ? » Nous aimions tous les deux les voyages. Nous sommes donc partis sur une pizza qu’on peut également appeler « voyage en territoire marin. » Elle était composée de bisque d’oursin et homard, de caviar séché, de corail d’oursins, de gambas marinées aux agrumes et flambées au saké, de Saint-Jacques brûlées au chalumeau, de tuiles à l’encre de sèche, de petites fleurs de ricotta, avec des petites perlines de mozzarella. Et nous avons servi cette pizza avec un saké tiède. Par conséquent, nous avons gagné avec cette pizza gastronomique. 
On me demande souvent cette pizza à la pizzéria. Pour tout vous dire, la pâte que j’ai emportée en Italie, c’est la même pâte que je sers tous les jours à mes clients. Je n’ai pas fait de pâte spéciale pour la compétition. Toutefois, c’est une pizza gastronomique, donc ce n’est pas une pizza que je peux vendre ici.
Moi, à LES PIZZAS DU PUITS VIEUX,  je fais de l’emporter, et il n’est pas question d’une pizza qu’on peut vendre dans une boîte en carton à emporter. En revanche, il s’agit bien d’une pizza qui pourrait être mangée dans un restaurant gastronomique. 

Comment étiez-vous à ce concours ?

Il y avait à ce championnat 1200 concurrents toutes catégories confondues. Il faut savoir qu’il y a plusieurs catégories. De la pizza gastronomique, à la pizza acrobatique. J’ai concouru dans 4 catégories. On parle beaucoup de mon titre de Championne du Monde, mais on parle peu du fait que j’ai été première Française en pizza classique et que j’ai fini 7e mondiale en pizza classique.
Les 4 catégories sont ; la pizza classique, la pizza à due, la pizza teglia et la pizza palla. Dans la catégorie a due, il me semble que nous étions une cinquantaine. Dans la catégorie où j’ai fini 1re Française en classique et 7e mondiale, je crois que nous étions près de 900, donc ça dépend des catégories. Et c’est tout aussi beau pour moi d’avoir été 1re Française en classique que Championne du Monde à due.

Combien de temps m’a-t-il fallu pour préparer tout cela ?

Il m’a fallu approximativement 5 ans. Tu sais pourquoi il m’a fallu 5 ans ? Parce qu’il faut de la préparation mentale. En 5 ans, j’ai grandi et j’ai évolué, c’est important d’être prête mentalement, parce qu’une compétition, même si c’est dans la restauration, ça reste une compétition. Il m’a fallu 1 an pour élaborer les recettes et il m’a fallu 3 mois intensifs de travail. Tous les jours, parce que 4 catégories, c’est du travail. Ces 4 catégories représentent 3 types d’empâtement différents et 4 recettes différentes. Et dans une compétition, il y a des règles, il y a un temps à respecter, il y a beaucoup de choses à respecter, donc il faut que le jour J on soit prêt. Il faut que le jour J, tout soit parfait. Donc pour moi, j’ai bien mis 5 ans.

Quel est mon parcours ?

Je suis née tout à côté d’ici. Je suis née à Saint-Priest, dans une clinique qui n’existe plus aujourd’hui. Je suis née le 28 novembre 87. Là, c’était la maison de mes grands-parents. Mes grands-parents travaillaient ici avec mon papa, mon oncle. J’étais gardée tous les week-ends par mes grands-parents, puisque ma maman travaillait aussi, donc je jouais là. Je jouais à faire de fausses pizzas. 
Quand j’étais petite, je ne voulais pas faire le même travail que mon papa, forcément. J’ai fait des études, cependant je n’ai jamais trop aimé l’école. J’ai commencé à travailler ici quand j’avais  16 ou 17 ans. Je travaillais là le dimanche pour me faire un peu de sous.
Ensuite, j’ai voulu faire des études d’auxiliaire puériculture. Mes parents, qui voulaient que je vise plus haut, m’ont dit : « Pourquoi tu ne ferais pas infirmière puéricultrice ? » Je me suis donc lancée dans des études d’infirmière. J’ai toujours eu la sensation que ce n’était pas pour moi.
J’ai fait 2 ans d’école infirmière. J’allais aux cours obligatoires, je me passais des cours non obligatoires. J’ai arrêté en deuxième année, tout en continuant à travailler ici le soir.
Après avoir arrêté, j’ai fait la formation que je voulais faire au départ : auxiliaire puériculture. Entre ces deux formations, j’ai eu mon fils, avec mon conjoint. Je partais très tôt le matin, j’emmenais mon fils chez la nourrice, j’allais à l’école et en sortant de l’école, je venais travailler ici. J’avais mes petites habitudes.
Sortie de là, je passe mon diplôme, que j’ai obtenu avec une super note. On voulait m’embaucher dans une maternité et là j’ai compris que je pourrais plus travailler à la pizzéria. Je suis quelqu’un qui aime la liberté. Je n’aime pas travailler pour quelqu’un.
Je ne suis pas du matin, par exemple. Ici, on travaille le soir. J’ai des enfants, alors je dois me lever tôt pour les emmener à l’école. En dehors de ça, je fais ce que je veux. Si j’ai du travail, je viens plus tôt, si j’en ai un peu moins, je viens un peu plus tard. Je ne suis pas faite pour travailler pour quelqu’un. 
Donc je me suis dit « merde, je ne pourrai plus travailler ici, il faut que je dise à mes parents que je veux rester là. » Mon père n’était pas très content, parce qu’il pensait que c’était trop de travail pour moi, trop de travail pour une femme. Je me rappelle plus exactement comment ils ont accepté ms choix, mais ils ont fini par capituler. C’est là que j’ai commencé à travailler un peu plus. 
Entre-temps, je me suis mariée, j’ai eu ma fille et, après quelques années, mon père a eu quelques problèmes de santé. Il a dû arrêter de travailler ici. Son frère, donc son associé, a eu aussi des problèmes de santé. C’est à ce moment-là que j’ai repris la gérance, en 2017.
Si tu veux savoir pourquoi je suis si attachée à cette pizzéria, c’est parce que pour moi, la famille fait partie de mes valeurs et, ici, je n’ai pas l’impression de travailler. Je m’éclate. C’est vraiment une passion, qui s’est construite au fil des années. Du moment où je suis née, où je jouais là le week-end quand j’étais petite, jusqu’au moment où j’ai signé pour être gérante ici, la passion est devenue plus forte. Aujourd’hui, j’ai encore moins l’impression de travailler alors que je travaille encore plus.

Mes différentes récompenses 

J’ai commencé la compétition en 2018. Non, en 2014. J’ai été Championne de France de la plus belle pizza. J’oublie toujours ce titre, pourtant j’ai été Championne de France de la plus belle pizza. J’oublie ce titre, parce que je ne suis pas sortie de ma zone de confort. C’était une pizza que j’ai faite à la maison. J’ai pris une photo et elle a été jugée sur photo. Et j’ai été Championne de France.
Ensuite, j’ai été Championne de France en 2019 de pizza teglia. La pizza teglia, ce n’est pas la même pâte que la pizza ronde, dite pizza classique. Ce sont des pizzas qui se vendent à la part en Italie, qui font 40×60 et qui sont cuites dans un moule.
Pour la petite histoire, c’est un type de pizza qui est hyper technique. C’est quelque chose que je maîtrisais mal. Mon père m’a dit « Pourquoi tu ne ferais pas le Championnat de France de pizza teglia » ? J’ai eu beaucoup de difficultés. Et le pire, c’est que je faisais la pizza teglia, la pizza ronde, cette année-là et que j’ai été championne de la pizza teglia alors que c’était l’épreuve que je pensais rater. Cette même année, je suis arrivée 3e en pizza classique.
Puis j’ai décroché mon titre de Championne de France en pizza à due en 2021. Et aujourd’hui (en 2022), je suis Championne du Monde en pizza a due. 

Quelle est ma journée type de cheffe pizzaïola ?

Je me lève le matin à 7 h pour pouvoir emmener mes enfants à l’école. Je prépare leur petit-déjeuner, puis les habille et les emmène à l’école. Une fois les enfants à l’école, je fais mon sport. Je fais du sport à la maison, j’adore faire du sport. À l’heure où je rentre, je n’ai pas le temps d’aller à la salle de sport, donc je me suis fait une petite salle de sport à domicile. Je fais mon sport, je fais mon ménage, je m’occupe de la maison, je vais récupérer mes enfants à l’école, je les ramène à l’école et j’enchaîne. 
Je fais quelques courses pour la pizzéria, une ou deux fois par semaine, le reste du temps, je me fais livrer. Je fais la pâte, je prépare la sauce tomate, je prépare les légumes, tout ce qu’il y a à faire pour la pizzéria. Donc de 14 h à 18 h, c’est… Comment on pourrait appeler ça ? Une fusée.
Il y a tellement de boulot ! Avant, je partais le matin. Je posais mes enfants et j’étais plus détendue pour faire toutes mes tâches. Mais je n’étais jamais présente pour mes enfants. Je les posais à l’école le matin et je ne les revoyais que le lendemain matin. Je me suis forcée à être là pour eux le midi et à commencer ma journée de travail ensuite. De 14 h à 18 h, je cours dans tous les sens. À 18 h, c’est l’ouverture du service, donc je prépare mes pizzas. Je peux en faire 50 comme 300, ce qui signifie que je peux rentrer à 23 h comme à 1 h 30 du matin. Ce que j’adore le plus, c’est les vacances scolaires. Quand j’ai fini ma journée et que je rentre chez moi à 1 h du matin, je peux dormir le matin. 

Quels sont les mots-clés qui me correspondent ?

Je dirais que c’est : ambitieuse, bienveillante, dingue, travailleuse.
Quelles sont les trois principales valeurs que je défends ?
Mes valeurs, c’est l’amour, la bienveillance, la liberté. C’est important pour moi, c’est quelque chose qui vibre en moi et que je transmets aussi à mes salariés. Je considère que c’est important que les personnes qui viennent travailler ici se sentent bien, qu’elles aient envie de venir travailler.
En tant que cheffe d’entreprise, je suis très stricte sur le travail et l’hygiène. S’il n’y a pas de problème de ce côté-là, je suis super cool. On est comme une famille ici.
Pour résumer en une phrase, je vais te dire quelque chose, ça va te faire rire. « Vivre d’amour et de pizzas ». Voilà ce qui me résume.

En quoi « Les Pizzas du Puits Vieux » est-elle différente des autres ?

Cette pizzéria est différente des autres parce qu’elle a une âme. Je suis la 3e génération. Elle est différente des autres, parce qu’elle porte tout cet amour qui s’est créé au cours de ces 34 dernières années. 34 ans que la pizzéria est ouverte et nous n’avons pas une seule fois fait de publicité. Jamais ; nous, nous vivons grâce au bouche-à-oreille. Nous mettons tellement d’amour et de passion dans notre métier que le bouche-à-oreille marche mieux que la publicité.

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